La magie du marché de l'art
- prysk7
- 20 mai 2015
- 2 min de lecture

Le 11 mai dernier, une toile de Picasso, « Femmes d'Alger », a été adjugée chez Christie's, à New York, pour 179 millions de dollars - un record en vente aux enchères. Dans la même séance, six autres artistes ont crevé les plafonds de leurs cotes respectives. En février, un tableau de Gauguin avait été acquis par un collectionneur qatari, dans une transaction de gré à gré, pour quelque 300 millions de dollars - record absolu pour une oeuvre d'art. Le marché de l'art s'envole : le montant total des enchères publiques en 2014 (15,3 milliards de dollars) était supérieur de 26 % à celui de 2013, selon le rapport annuel d'Artprice. Et l'ascension devrait se poursuivre en 2015, à en juger par les ventes récentes.
Bonne nouvelle, diront les optimistes : dans notre siècle matérialiste, cette valorisation de l'art n'est-elle pas le signe de sa vitalité ? Une autre interprétation est malheureusement plus plausible. Le marché de l'art est un des miroirs de nos sociétés. Ce qu'il reflète, c'est le gonflement de la classe mondiale des « super-riches ». On ne doute pas qu'il existe parmi ceux-ci de véritables amateurs, auxquels les oeuvres acquises apportent, pour paraphraser Bergson, un « supplément d'âme ». Mais on sait aussi que des milliers de toiles et de créations plastiques en tout genre sont stockées dans les entrepôts de quelques ports francs, ceux de Genève et de Singapour comptant parmi les plus importants. Pas seulement parce que les transactions qui s'y déroulent échappent à divers prélèvements douaniers et fiscaux : cette « mise en conserve » signifie surtout que les oeuvres, hors de toute considération esthétique, ne jouent pour leurs acquéreurs qu'un rôle de « conservation de la valeur ». Le problème, c'est que l'offre peine à suivre la demande, dopée par la croissance des gros patrimoines. Ce déséquilibre a deux conséquences : la montée des prix des artistes morts, et l'accélération des « découvertes » de nouveaux créateurs, accédant à la notoriété par le parcours bien rodé des galeries, des grandes collections privées et - consécration suprême - des musées. De sorte que le profane se demande si c'est l'oeuvre d'art qui, par sa qualité, justifie sa valeur monétaire, ou si c'est la recherche de valeur monétaire qui « produit » l'oeuvre (d'art ?).
Source : Les Echos
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