Korité 2015 : Sur les pas des victimes de la mode
- prysk7
- 18 juil. 2015
- 5 min de lecture

A quelques heures de la Korité, les femmes se tuent pour coller à la mode. Cette année, la tendance sur le marché des tissus est le tile et le brodé autrichien. Dans les marchés, les dames ont pris d'assaut les cantines pour essayer de faire certaines folies. Mais, elles sont souvent dissuadées par la faiblesse de leur pouvoir d'achat. Alors que d'autres n'hésitent pas à faire des efforts financiers supplémentaires pour satisfaire leur égo et combler leurs enfants. Aux marchés Zinc de Pikine et Hlm, les dames peuplent les cantines et les étals pour trouver le tissu idéal. Mais, les commerçants ne se frottent pas les mains et se rappellent de ces années fastes où les veilles de Korité étaient de véritables instants de traite. Ainsi va la vie...
La Korité demeure une équation à plusieurs inconnues pour les femmes et les enfants. Dans la course à la belle coiffure et au plus beau boubou, les folies se mesurent à l'épaisseur du portefeuille. À 24h de la fête de l’Aid El-Fitr, c’est encore un rush aux marché Hlm et Zinc de Pikine. Il faut slalomer entre les étals, se jouer des coudes et s'éterniser au marchandage. Le tissu tant recherché est au bout de cet effort.
Cette année, le tile et le brodé Autriche sont à la mode aux marchés Zinc et Hlm. Même si certains commerçants constatent que l’argent ne coule pas à flots cela n’empêche pas certaines à casquer fort pour se faire belles et rendre élégants leurs enfants. Pourquoi le choix de ces tissus ? "Pour certaines femmes, si elles ne s’habillent pas en brodée ou en tile, elles sont en déphasage avec la mode et n’attirent aucun regard", confie un commerçant. La tendance fait des ravages.
Aujourd'hui, les dames se plaignent de l'inflation des prix. Selon Mbaye Babacar Wade, vendeur de tissus au marché Hlm plus précisément au Roukou Mabo, ce n'est plus le grand rush à cause de la conjoncture. «Pour cette année, les femmes ont choisi le brodé autrichien qui varie entre 4500 et 15000 F Cfa voire même plus le mètre. Mais, elles choisissent le plus la qualité vendue à 4500 ou 6000 F Cfa», explique Mbaye. Même constat, le brodé et le tile ont battu le record de vente au Marché Hlm. Toutes les tranches d’âges se sont payées ce nouveau modèle. Ici, le mètre varie entre 3000 F Cfa et 20000 F Cfa. Voire même plus. Une vendeuse explique : « S’il s’agit des brodé Autriche le mètre est à 4500 F Cfa au bas prix. Maintenant, les clients son mûrs, ils savent faire la part des choses. Presque toutes mes ventes c’est le tile ou le brodé Autriche comme presque partout dans le marché car nous avons tous les même tissus. Parfois les arrivages et nos fournisseurs sont les mêmes. Ce qui fait la concurrence n’est pas au rendez-vous car nous avons tous acheté aux mêmes prix donc personne ne peut vendre moins cher ou plus que l’autre.»
Brodé autrichien et tile, la tendance 2015
En face d'elle, on aperçoit des étagères remplies de toutes les couleurs et de tous les articles : Wax, basin riche Diezner, brodé Autriche entre autres tissus. Assis en face du ventilo qui brasse l'air, le propriétaire du Petit palais boutique savoure ces jours bénis : «Je rends grâce à Dieu. Je m’en suis bien sorti Machalah. J’ai écoulé beaucoup de ma marchandise surtout le Diezner qui se paye à 10000 F Cfa le mètre de même que celui qu’on appelle 2e choix à 3000 F Cfa le mètre. J’ai eu une clientèle variée».
Il ne partage pas sa fortune avec Mme Fall. Trouvée dans sa boutique, elle contemple ses tissus de classe et de valeur rangés soigneusement. Sans savoir de quoi demain sera fait. «Nous sommes juste là mais rien ne marche. Les quelques rares clients, qui viennent, achètent juste 1 mètre de tile que je vends entre 15000 et 20000 F Cfa. La vente du basin et des autres tissus n'est pas trop intéressante», se de désole Mme Fall. Et de poursuivre : «Je constate que certaines dames n’accordent pas une grande importance à la fête». Malgré tout, certaines femmes n'hésitent pas à mettre le prix pour devenir sémillantes le jour-j. Il ajoute : «Il y a certaines qui casquent fort pour se payer des tissus et avoir de jolis boubous à leurs progénitures.» Calfeutré derrière son comptoir, il admet néanmoins qu'il y a moins d'enthousiasme dans les marchés remplis de badauds et de curieux. Et aussi de radins. "Si tu veux un bon tissu il faut éviter d’être pingre et ne pas mettre la hausse des prix sur le dos des vendeurs. Nous avons des clients Vip qui même si ce n’est pas la période de la fête achètent fréquemment malgré le prix contrairement à certaines qui n'achètent qu’en période de fête et crient partout que les tissus sont chers» explique Mbaye. Sa partenaire renchérit : «Il y a aussi des femmes qui sont prêtes à acheter des tissus malgré le prix pour le donner à leur belle famille en guise de cadeaux le jour de la fête. Et c’est presque elles qui achètent à cette période voire à 2 jours de la fête». Dans toutes les boutiques, les commerçants étalent leurs marchandises en quête de clients. Devant les étals et les cantines, les rabatteurs hèlent les clients pour leur exposer la marchandise mise en valeur par des mannequins exposée partout. En cette matinée ensoleillée, le marché Zinc de Pikine suffoque. Ici, les enfants sont gâtés à quelques heures de la fête. « Les femmes se sont déjà servies à coup sûr elles se bousculent chez leurs tailleurs en ce moment», lance un vendeur de prêt-à-porter. De toute façon, eux sont faciles à satisfaire.
Le spleen des rabatteurs
Mais, les dames se tuent ou essaient d'accomplir leurs rêves en achetant le brodé autrichien et le tile. Et les vendeurs oscillent entre satisfécit et déception à la veille de la Korité. "On s'en sort bien même si le business ne marche plus comme les années précédentes", informe avec dépit un vendeur. Un autre dissimile mal sa déception : "On sent la crise partout. Même si des filles sont prêtes à tout pour se faire belles le jour de la fête. Car maintenant, elles travaillent de toutes leurs forces pour gagner leur vie." Venue acheter des chaussures pour ses jumelles Ndèye Rokhaya s’est déjà payée un brodé autrichien de couleur rose depuis le début du Ramadan. Elle est victime de la mode contrairement à Mme Bakhoum qui se projette déjà sur la prochaine année scolaire. Elle fait juste le minimum : «Moi j’achète rien pour moi. Il y a la réinscription de mes enfants qui m’attendent. Donc je suis obligée de limiter mes envies. Il y a que les enfants qui me préoccupent pour le moment.»
Alors que les parents se sacrifient pour faire plaisir à leurs enfants, les vendeurs sont toujours loin de leur record de vente à quelques heures de la fête. «Rien ne marche, ça fait même peur, mes tenues ne sont pas chères mais je n’arrive toujours pas à écouler tous mes articles. C'est connu : l’argent ne circule plus au Sénégal», explique Amadou Sow. On nage en plein paradoxe. Malgré la déception affichée par les commerçants, leurs boutiques ne désemplissent pas. On a du mal à les approcher pour palper leurs sentiments. Mais, il y a aussi une nouvelle tendance : "Les acheteurs et les marchandeurs se mêlent dans les échoppes." Chez les tailleurs, on a changé les habitudes de travail : Ils veillent toute la nuit à coudre de nouveaux habits ou à raccommoder.
Source : Le Quotidien
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