Moyen-Orient / Luxe : un marché plus riche et tourné vers le futur, selon le groupe Chalhoub
- prysk7
- 29 mai 2016
- 4 min de lecture

La chute des cours du baril de pétrole au Moyen-Orient se ressent déjà dans la consommation d’articles de luxe étrangers. Le pouvoir d’achat des populations est amputé et le sera encore plus dans le Golfe quand la TVA sera introduite en 2018. « On assiste à la fin de la période d’abondance. Le marché se normalise, avec l’émergence d’une classe moyenne, des jeunes et des femmes qui travaillent et ont un consommation plus rationnelle », exposait, le 19 mai à Paris, Patrick Chalhoub, coP-dg, avec son frère Anthony (notre photo), du groupe éponyme spécialisé dans la vente au détail, le marketing et la distribution au Moyen-Orient, à l’occasion de la parution de son 4e Livre blanc « Évolution du marché du luxe au Moyen-Orient : vers l’établissement d’une nouvelle norme ? ».
La jeunesse et les femmes, maillons essentiels
Globalement, le Moyen-Orient représenterait 3 à 4 % du marché mondial du luxe, soit 8 milliards de dollars en 2015, en hausse de 1 % sur un an, après + 5,6 % en 2014. « Les jeunes composent une population indépendante, entreprenante, saine et éduquée qui va consommer », assurait ainsi Anthony Chalhoub, et qui, précisait-il, est connectée aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Selon son frère, « la société reste très attachée à son histoire et sa culture, ce qui ne l’empêche pas d’être tournée vers le futur ». Preuve en serait le succès de la blogueuse Hoda Kattan, basée à Dubaï, suivie aujourd’hui par 13 millions d’internautes, dont 8 millions hors du Moyen-Orient, notamment aux Etats-Unis.
Quant aux femmes, « elles travaillent de plus en plus en Arabie Saoudite et comme elles habitent avec leurs maris ou leurs parents, dépensent peu et donc thésaurisent et consomment. Aujourd’hui dans ce pays, les femmes sont moins de 20 % à travailler, elles devraient être 40 % en 2030 », a encore expliqué Anthony Chalhoub. Selon ce dernier, l’Arabie Saoudite demeure « le marché le plus important (*) » de la région, Abu Dhabi « a beaucoup de potentiel », le Qatar « fait beaucoup pour sa place économique et politique », le Koweït « est la belle au bois dormant qui va se réveiller pour une grande place du luxe ».
Quant à Dubaï, estimait de son côté son frère, « malgré des infrastructures extraordinaires, aéroportuaires et portuaires notamment, la population n’est pas en nombre suffisant ».
Au total, 60 % de la clientèle est émirienne ou originaire d’autres pays du Golfe, la consommation locale résidente représentant 15 %, alors que les acheteurs russes ne représenteraient plus qu’une part de 5 %, en partie compensée par la montée de la consommation indienne, iranienne ou africaine. Dubaï, c’est 60 % des achats régionaux dans la joaillerie et la moitié dans l’horlogerie, à part égale avec l’Arabie Saoudite, qui constitue plus de la moitié du marché de la parfumerie.
Une hausse attendue des plus fortunés de 40 % d’ici 2024
La montée de la classe moyenne ne signifie pas que les dépenses en valeur absolue des plus fortunés vont diminuer. Bien au contraire. D’après le rapport 2015 sur la Richesse de Knight Frank, leur nombre devrait augmenter de 40 % d’ici 2024 au Moyen-Orient. Dans la catégorie des plus aisées, les femmes prendront aussi une part croissante.
Selon le 4e Livre blanc du groupe Chalhoub, « les riches habitants du Golfe dépensent 2 000 dollars par mois en parfums et cosmétiques, prêt-à-porter, chaussures et sacs, 25 000 dollars en montres et joaillerie et 10 000 dollars par an en cadeaux ».
Toutefois, avec l’évolution des comportements, les types d’articles achetés changent : « moins de montres mais plus de joaillerie, plus de maquillage mais moins de produits parfumants », précisait ainsi Patrick Chalhoub. Globalement, « le consommateur recherche moins le flamboyant. Le paraître n’est plus si important et perd du terrain sur le plaisir », ajoutait-il, affirmant la volonté du groupe familial de s’inscrire « dans cette aspiration nouvelle ».
Chalhoub investit au Maroc dans des parfumeries
Pour se préparer à cette mutation, le groupe aux 12 000 salariés, qui ne publie pas ses comptes et noue des partenariats comme franchisé, distributeur ou consultant avec de grandes marques (Vuitton, Dior, Sephora, Céline, Givenchy…), investit à long terme, se préoccupant peu, disent ses dirigeants, de la profitabilité à court terme. Une cinquantaine de boutiques devrait ainsi disparaître cette année, alors que deux grands magasins ont été ouverts, le Tryano sur 12 000 m2 à Abu Dhabi, spécialisé dans la beauté, les sacs, les accessoires et l’univers des enfants, et, en avril dernier, le Level KIDS sur 9 000 m2 dans un quartier résidentiel de Dubaï, conçu pour la mode, susciter l'émerveillement, la destination des parents et de leurs enfants.
D’après le 4e Livre blanc, « environ 18 millions de m2 d’espaces commercial devraient ouvrir d’ici 2020 dans de nouvelles galeries commerciales, essentiellement en Arabie Saoudite, aux Émirats arabes unis et au Qatar », « la compétition est rude entre les marques » et « la présence des marques de luxe a presque atteint un niveau de saturation dans la région ». D’où l’importance de trouver de nouveaux relais de croissance. Il y a un mois, Chalhoub s’être introduit au Maroc avec deux parfumeries Wojooh (visages en arabe), à Casablanca et Marrakech, et promet d’y poursuivre son extension.
Le spécialiste du luxe regarde aussi vers l’Égypte, qui devrait enregistrer dans les années à venir une croissance économique légèrement supérieure aux 2 à 3 % attendus dans le Golfe. « Il y a un potentiel énorme, avec une jeunesse éduquée, un pouvoir d’achat important, mais, avec la baisse du tourisme, il y a un véritable frein qui est le manque de devises », a, néanmoins tempéré Anthony Chalhoub.
Autre marché d’avenir, l’Iran, dont la croissance pourrait atteindre 6 %. « Dans les années 60-70, c’était notre premier marché, puis on s’en est retiré et aujourd’hui on regarde, mais la difficulté à faire intervenir les banques étrangères est un handicap insurmontable à l’heure actuelle », jugeait encore Anthony Chalhoub, qui assure qu’il est exclu d’intervenir dans ce pays en direct. Alors peut-être avec Sephora, dont on annonce l’intention de s’implanter en Iran ? Les deux groupes sont partenaires dans une joint-venture sur le Moyen-Orient. Au final, cette année, Chalhoub prévoit une croissance de 3 à 4 % de son chiffre d’affaires, comme en 2015, avec un léger gain de part de marché.
Source : Le Moci
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